donnez-moi trois oranges
et je jonglerai pour vous
j’ai pour les biographies
de l’amour et de la haine
il y a ici des choses vraies
qui ne le seront peut-être plus
j’aimerais que la fondation
Michalski accepte ma candidature
mon coeur est français mais
mon cul est international
j’ai habité à Marseille
pendant un an
je voue une haine profonde
aux contrôleur·ses de la RATP
j’ai fait une dissertation
entière en ne citant qu’Hegel
ma chanson la plus écoutée en 2021
était White Flag de Dido (…)
chaque jour je dessine,
un jour je vous montrerai
je suis parisien donc je n’ai
pas d’accent quand je parle
je suis né à Bruxelles
mais je n’y ai jamais vécu
me manque la lumière matinale
sur les collines toscanes
en 2016 je croisais Vincent Lindon
au café tous les matins
en huit mois à Marseille je ne
me suis jamais baigné, et alors
je n’ai rien contre le bordel
pour peu que tout soit aligné
je n’ai probablement
plus beaucoup de batterie
je n’ai lu aucun livre
de Genette en entier
j’ai habité à Londres
pendant quelques mois
j’aime quand doucement
on dépasse 130bpm
je ne suis encore
jamais sorti d’Europe
je veux prendre
un café avec vous
j’ai habité à Sienne
pendant un an
un jour j’ai presque failli
me marier puis finalement pas
la courgette est la base
de mon alimentation
il m’aura fallu attendre plus
de deux ans pour avoir le covid
la température minimale que
j’ai ressentie est de -19°C
l’esprit de sérieux est une chose
contre laquelle je dois lutter
j’ai passé une nuit dans une
colocation de vingt-cinq personnes
il est rare que je m’asseye dans
un café sans changer aussitôt de place
les petites routes de montagne
me font mal au coeur
un jour à Marseille j’ai croisé
un frigo sur la piste cyclable
mon premier briquet était couvert
d’une image de pin-up
il y a peu j’ai eu la confirmation
que la solitude ne me convient pas
me manque la lumière matinale sur
le vitrail de la chapelle de King’s
à l’époque j’avais la manie de
mettre des signets dans les livres
j’ai eu 3/20 à l’oral
de français de l’ENS
j’ai grandi en Roumanie
et j’y ai un peu vécu
au déplacement horizontal
je préfère celui vertical
j’aimerais trouver le
grand amour (06 95 24 45 ..)
je réponds (presque)
toujours aux mails
rien ne m’horripile
autant que les puzzles
je suis né à coups de
ventouse sur le crâne
ma boisson préférée est
le gin tonic sans tonic
je vous aime tant
de lire ceci
il n’est pas improbable
que je passe bientôt à Paris
je suis incroyablement
météo-dépendant
j’ai eu 20/20 à l’oral
de spé philo de l’ENS
ma carrière de photographe s’est
arrêtée à l’âge de douze ans
comme Sylvain Tesson j’ai roulé sur
la terre mais moins loin que lui
je ne mange pas d’animaux
morts et vivants non plus
un amour immense pour Charlotte
de Witte grandit en moi
j’ai jeté des pavés en mousse
sur des CRS payés à la journée
j’ai habité à Cambridge
pendant un an
à trois ans près je naissais
dans le présent millénaire
mon temps quotidien d’écoute
de musique est de 4h25
le nombre 13 est une curieuse
constante de ma vie
j’aime le chocolat noir
à la menthe
je connais le poids de
toute chose que je possède
je pense encore parfois à mon
premier amour de maternelle
souvent dans les livres je
préfère le titre au contenu
ma vie tient dans un sac
(ou presque)
la diversité des systèmes
de chasse d’eau me fascine
« cher Stéphane Lambrion,
je vous remercie pour… »
ma carrière de mathématicien s’est
arrêtée à l’âge de seize ans
depuis quelques temps dans
ma vie je rotate
je regrette de n’avoir
jamais possédé de Tamagochi
j’ai fait six ans de
patinage artistique
j’ai rencontré l’un de mes
meilleurs amis dans une forêt
ça fait cinq ans que je n’ai
(presque) rien acheté de neuf
le matin je prenais mes
bêtabloquants avec un double expresso
rien de tel qu’un pull en laine
pour retrouver goût à la vie
Si j’étais écrivain et mort, comme j’aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d’un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons des « biographèmes » dont la distinction et la mobilité pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, à la manière des atomes épicuriens, quelque corps futur, promis à la même dispersion ; une vie « trouée », en somme.Barthes — Sade, Fourier, Loyola
n. 1997 — belge + roumain = français (?) — normalien agrégé etc. etc. — habite à Sienne Cambridge Marseille Paris