c’était l’hiver et ça faisait deux mois
que je ne savais plus quelle heure il était,
ma montre avait sauté du sixième étage
de l’immeuble de Shaftesbury Lane
en même temps que les miettes
de la nappe que je secouais
– depuis j’étais contraint
de vivre au plus présent.

les jours de beau temps
je suivais le soleil
pour deviner l’heure,
essayais de me souvenir
où était l’est où était l’ouest,
souvent j’allais au bord
de la rivière pour m’y retrouver.

les jours de grisaille
étaient une longue plage
de temps sans début ni fin
– il n’y avait personne
pour me donner l’heure même arrondie,
les voisins gardaient leurs volets fermés.

je buvais à la fenêtre café sur café
allongé d’une pluie tombée oblique,
regrettais les gouttes qui l’été dernier
me pleuvaient le long du corps
– au salon pendait alors
une horloge que j’ignorais.

lorsqu’un jour j’ai senti
que l’hiver s’achevait,
j’ai ouvert mon agenda
à la page que je supposais bonne,
un vingt-et-un mars où on lisait
en lettres capitales : CHANGER.

je suis descendu à la librairie,
j’ai acheté deux livres et pris le train
pour Brighton où j’ai acheté une montre
– c’était le début du printemps.